Salamandra Abracadabra!

Attention: avertissement d'interview ensorcelée! 

C'est lors de jours baignés de paisible prosaïsme, quand les derniers souffles de l'hiver ne suffisent plus à masquer la douce chaleur du soleil, que la promeneuse sans prendre garde, décida d'explorer les bois alentours, dans la "vacuité" hivernale, entre feuilles déchues des forêts locales - souvent qualifiées comme "magiques "ou "enchantées" - à l'aube du printemps.

CHAPITRE I: SALAMANDRA

"No Man's Land" Périgourdin
Cela fait certainement plus d'une heure qu'elle recherche son chemin, qui  se cache à chaque détour serpentin... Pas besoin de regarder l'heure (ce qu'elle n'ose faire d'ailleurs), la luminosité décroissante en dit déjà assez long! Sous les semelles, chaque pas brise les squelettes de feuilles caduques, qui semblent avoir basculé dans l'autre monde - si autre monde il y a - toutes étalées en tapis, à titre de fosse commune emballée dans un monotone sépia monochrome.
***
C'est au milieu de ce "No Man's Land" à la périgourdine, que je me retrouve sans direction, sans inspiration, avec, comme intention première, la simple envie d'une bonne bouffée d'idées et bonne bouffée d'air.
Sentiers après sentiers sans pouvoir retrouver mon point d'arrivée, quelque chose m'agrippa le bout du pied droit, me laissant m'écraser de tout mon long sur le sol feuillus. Une douleur aiguë transperça la cheville tandis qu'un juron sorti de mes lèvres, expulsé des cordes vocales. Je me relevai légèrement pour observer la responsable, en partie, de cette chute: une grosse racine d'yeuse, accoudée à la terre.
Empreinte de désarroi, le temps d'un lourd soupir, je laissais la tête tomber en arrière, en décubitus dorsale, mirant le ciel entre les ramures bercées par les airs bancals.
Salamandra Vôtre
- Je connais quelqu'un qui pourrait t'aider, entendis-je, sursautant... mais l'entendis-je vraiment?
Un court silence s'instaura.
- Hou hou... déjà que tu m'as réveillé, relance ce semblant de voix grognonne
Tournant la tête rapidement à droite, à gauche: rien! Puis, arquant la tête en arrière, d'un bond je m'assis (ne pouvant me lever), toute surprise, retenant toute mon haleine. Une espèce de gros lézard noir luisant et tacheté de jaune était là sur le bord d'un tronc d'arbre rompu et squatté par de sombres polypores. Un fragment de seconde suffit pour me rendre compte que j'étais face à une salamandre.
- On dirait que tu viens de voir un monstre... fit la petite salamandre toute contrariée
- Ça y est, j'ai des hallucinations,...  et perdue dans les bois sans pouvoir bien marcher,...  rien ne va plus... me murmurais-je en mon fort intérieur.
-Eh bien merci! Dis que je suis invisible! Moi qui cherchait à te rendre service... vous les humains c'est toujours pareil. S'exprime-t-elle sous une légère virulence, tandis qu'elle s'apprête à faire demi-tour tout lentement.
- Attends! dis-je sans réfléchir C'est toi qui me parle?
- Disons que je communique, car d'abord je n'ai pas de cordes vocales, donc, non, je ne parle pas... ensuite... pas la peine de parler si fort, je n'ai pas d'ouïe (soit pas d'oreilles), donc je ne t'entends pas. Par contre, je ressens les vibrations, et t'adresser vers moi plus doucement sera tout aussi bien.
- Non mais je rêve! Pensais-je dans un sentiment partagé entre ahurissement et incrédulité.
- Non, non, je communique bien avec toi! Par télépathie si tu veux... sous le feu de l'esprit.
- Le feu de l'esprit? reformulais-je, confuse.
Sous les flots du silence, je scrutais ses yeux infiniment profonds, semblables à deux perles de roche volcanique, l'obsidienne.
- Partons! Il va se faire tard.
- Pour aller où?
- Chez le Sorcier! me répondit-elle comme une évidence. Il te soignera.
Un sorcier! De mieux en mieux! Si c'est un rêve, il déborde d'imagination...
Sans trop avoir le choix, c'est à croche-pied, en m'aidant des branches pour rester en équilibre que je suivi le petit amphibien tout tranquille.
- Comment puis-je t'appeler?
- Salamandra Salamandra...
- M'accorderais-tu quelques questions sur ton monde salamandrin? Le temps de ce chemin?
- Bien sûr! je suis "Salamandra Vôtre"!
La Vie Salamandrine
- Que je comprenne: tu n'entends pas, tu marches lentement, tu es plutôt petite: comment survivre dans ce monde plein de prédateurs?
Salamandra élargit ce sourire qu'elle porte déjà par défaut sur son visage triangulaire.
- Bien que je ne morde pas, j'ai bien plus d'une ressource pour me protéger:
LE SECRET DE MA PEAU: Tout commence par la peau, ma meilleure armure!
Si tu regardes,  cette peau luisante - par laquelle je respire aussi - est dotée de petites pustules et de glandes parotoïdes (micro-orifices derrière les yeux) qui secrétent d'une part; un mucus fongicide et bactéricide, et d'autre; du venin que je peux aussi projeter à plusieurs centimètres en cas de grand danger ou de grand stress. La robe aux couleurs toniques que je porte, sert de bel avertissement sur ma toxicité...
Lors de la mue, nous sommes les seules espèces à manger notre  vieille peau... ah, non, j'oubliais nos ravissants voisins d'autres contrées: les geckos phelsuma! Multicolores à en devenir presque fluorescents!
LE SECRET DE MES SENS: Certes, je n'ai pas de tympans, aussi, j'en tire une belle contrepartie. D'abord, j'ai un odorat particulièrement développé, doté d'organe voméronasal. Je m'explique: ce merveilleux outils capte les phéromones, émises par la plupart des êtres vivants (végétaux inclus), me permettant de m'orienter et d'adapter mon comportement selon leurs indications sur le milieu qui m'entoure.
Cet organe, vous les humains, en êtes aussi dotés, bien que juste à titre résiduel...

Et puis, continua la salamandre, il y a mon regard qui apprivoise la nuit comme nulle autre, d'une acuité visuelle fidèle à mon mode de vie nocturne... Sauf aujourd'hui! ajoute-t-elle taquine, Il me restait encore bien trois bonnes heures de sommeil! Mais évidemment t'a chute m'a bien réveillée!!

LES PREDATEURS ET POINTS VULNERABLES: Les prédateurs, ils sont plutôt rares: il y a la couleuvre à collier, Natrix Natrix, qui n'hésiterait pas à me croquer, certes! 
Côté vulnérabilité, elle est soulignée de par certaines actions anthropiques, dont l'urbanisme, le bitume et ses routiers, contribuant activement à notre raréfaction. Notamment lors de la période de reproduction.
Mais je reconnais, ajouta-t-elle, que certains d'entre vous un peu plus conscients ou un peu plus sensibles, sont à l'initiative de solutions, grâce à la mise en place de crapauducs ou encore, de panneaux invitant à "lever le pied", lors des périodes de passage de batraciens, soit lors de la fin de l'hiver.
Évidemment, étant si bien dotée de défenses et de capacité de regénération , nous, les salamandres, n'hésitons pas à explorer en terrain découvert telles les routes!
- Quel est ton mode de vie?
- Oh, nous sommes plutôt des solitaires, d'une durée de vie, le temps d'une valse de vingt ans... Nos rencontres sont fortuites dans le but d'assurer la continuité de notre espèce.
Nous hibernons, avec une particularité: dès que le temps s'adoucit, rien de tel qu'une petite virée! Fit-elle en rigolant. Quant à notre alimentation, notre mets favori est souvent composé de lombrics.
Comme l'a affirmé Henry Miller, le Périgord est le "Paradis des Français" incluant les "french salamanders"! Mais pas seulement: en fait la Dordogne nous est un habitat privilégié: humide, boisé, débordant d'anfractuosités, on adore! C'est dans ce département que la densité de salamandres est certainement la plus élevée.
Et puis, rien de tel qu'une petite balade lors de "Soirs à Salamandres", ajoute-t-elle intrigante.
- C'est-à-dire?
- Oh, tu sais, ces soirées de nuit sombre déversant une bruine délicate bien que soutenue. Il suffit de quelques loupiotes à la lumière d'un jaune or bien saturé, pour que la nuit finisse par nous ressembler.
- Que dire sur la Salamandre, emblème de Sarlat?
Les mémoires de nos ancêtres, sont porteurs de bien des savoirs quelque peu oubliés...  Déjà Pline l'Ancien nous révélait au monde...
Je pourrais te dire que nous avons été reconnues en un premier temps comme un signe de protection grâce à notre capacité de regénération et résistance face à l'adversité, et aussi  pour notre loyauté - d'ailleurs ne sommes-nous pas fidèles à notre territoire tout au long de notre vie?  Notre première devise, "Fidelis Deo et Regis", évolua sous François Ier  (lors du "Bel Âge" de Sarlat, au XVIème siècle), qui nous désigna pour symboliser l'emblème royal!
C'est alors que l'initiale de cette belle ville se métamorphosa en Salamandre... En l'honneur de son triomphe sur les ennemis et pour sa fidélité au roi de France, en dépit de toutes les griffures de guerres et tentatives de trahisons, d'invasion... tout au long des siècles passés.
 
La conversation s'interrompit par un nouveau personnage qui surgit entre les derniers rayons de soleil de la journée. Semblant être originaire d'îles de lave et d'olivine, orné d'une dorsale corail à l'image de la ceinture de feu qui étreint notre globe terrestre, ses iris capturent les flammes de l'astre solaire qui nous gouverne.
 
- Triton!!!! Se réjouit la salamandre, mais, avant même de pouvoir continuer sa phrase, le triton marbré, pris l'initiative de continuer de répondre à la promeneuse:
- Je ne voudrais pas t'effrayer, cependant il faut aussi préciser que rencontrer une salamandre, aussi connue sous le nom de "Vulcanale",  présage une épreuve de feu... Elle représente l'incarnation vivante de cet élément divin... signe de purification et de renaissance. Le feu réuni, réchauffe et défend les hommes depuis les temps préhistoriques...
Le feu de l'esprit, celui-là même qui se liquéfie tout au long de tes veines lorsque le coeur s'éveille. Mais prend garde, car "qui peu le plus, peu le moins" dans ce monde dual... Ce qui donne vie, tue aussi.
- Arrête! S'énerva Salamandra
- Mieux vaut l'avertir sur ta vraie nature.... on ne sait jamais! insista doucement Triton
- Les amis, ne vous disputez pas, je m'interrogeais tout simplement sur la connotation entre l'urodèle spagyrique et la capitale du Périgord Noir.
 

CHAPITRE II: ABRACADABRA!

Entre l'obscurité qui commençait à arroser la terre et la canopée des bois, émergea la tour du sorcier, agrafée à une paroi rocheuse. Les mètres à franchir devenaient de plus en plus pénibles pour la promeneuse, dont la douleur initiale de la cheville s'étendait en s'intensifiant.

Pendant ce temps, des petits diables du Périgord, couraient nerveusement ici-et-là, menacés d'être touchés par l'eau des sources qui gonflaient. Cette eau magique, aux propriétés déjà connues des Celtes et des Romains, a le pouvoir de faire disparaître ces petites ombres néfastes qui souvent s'amusaient à effrayer les jeunes villageois de nos campagnes.
- Sommes-nous arrivés? demanda-t-elle impatiente
- Presque, répondit Salamandra, il nous faut contourner toute la paroi rocheuse pour accéder à l'entrée du cluzeau, de l'autre côté. Et la paroi rocheuse était un beau molosse de calcaire.
- Ne pouvons-nous pas rentrer par cette porte, demanda-t-elle désignant la belle porte monumentale de style gothique flamboyant, au pied de la tour de noblesse.
- Personne n'a le droit de la franchir, informa Triton, du moins sans écaillures, enfin, je crois... Je suis l'ami du Sorcier depuis son enfance, et je connais cette porte que fermée.

- J'arrête là, annonça-t-elle, lasse.

- Mais tu ne peux rester là, sous cette lune, les Lébérous risquent de venir! Sans parler des autres... Allez, un dernier petit effort avant que le manteau de la nuit nous couvre! Insistèrent Triton et Salamandra.

La promeneuse, ne les écoutait plus, se pinçant multes fois pour essayer de se "réveiller" et sortir de cette réalité, entre les gouttes ruisselantes du soir levant. Les deux petits urodèles, dos à la tour, la regardaient sans trop savoir que faire, pour lui faire comprendre combien tout était réel. Quand la promeneuse stoppa d'un coup, regardant au-delà, quelque part vers la tour. Entre les embruns, il lui sembla apercevoir une "Dame Blanche" qui la regardait, rayonnante de douceur et de délicatesse, à la chevelure soyeuse, semant une douce brise, un délicat courant d'air.

À cet instant précis, la porte s'ouvrit.

Si les deux amphibiens restèrent ébahis, la promeneuse s'y engouffra sans demander son reste, tandis que la porte se referma avant même qu'ils puissent intervenir.

Les Portes de la Tour de Noblesse...
À l'intérieur, elle éleva le regard tant bien que mal dans ces lieux peu éclairés: la tour était évidée!
Seul quelques restes de l'escalier à vis que l'on devinait, survivaient grâce à des blocs discontinus de marches, accrochés en périphérie au mur cylindrique.
Vite, la promeneneuse se cacha, s'asseyant  sous quelques marches, lui permettant de reposer ses jambes: quelqu'un semblait voltiger d'une extrémité à une autre dans les hauteurs de la tour.
 
Des bruissements d'étoffes et glissements de pas se faufilaient dans le silence. Depuis son antre, la promeneuse se pencha  légèrement pour voir le spectacle des hauteurs. Elle regardait avec grand intérêt les déplacements rapides du Sorcier d'une porte à une autre, se révélant plutôt être une sorte de funambule. Plissant les yeux  et tâchant de s'accoutumer à la carence de lumière des lieux, elle compta sept portes. Soudain, les portes s'ouvrirent, et se refermèrent à la guise du Mage, laissant apparaître à la grande surprise de la spectatrice, une flopée d'animaux à écaillures bien étranges, qui se conjugaient aux amples gestes arrondis du funambule.
 
Des dragons, des basilics, une hydre, des serpents à plumes, un griffon... tout ce bestiaire  fantastique du Moyen-Âge  et de temps plus anciens, avait tellement vieilli, qu'il en avait perdu son pouvoir.
- Oh! S'étonna intérieurement la promeneuse, Mélusine! Le Coulobre! Quel émerveillement...
 
Seul le Sorcier semblait rendre à ce petit monde, plutôt délaissé de nos contemporains,  leur place, tout en les conciliant avec leur sort. On aurait dit une sorte d'échiquier invisible qu'il gérait adroitement en toute discrétion, tout en prenant soin de  faire pivoter leur aspect répulsif en des couleurs bien plus charismatiques, analogue à un alchimiste. Ces scènes probaient une véritable symbiose entre l'homme et ces êtres.
-Tout ces petits cerveaux archaïques, cerveaux reptiliens dégagent une telle pulsion de vie! songea-t-elle après un moment d'observation.
Le doyen des lieux semblait ne jamais s'arrêter, menotté par multes actions en ébullition, entre lesquelles il coulissait avec maîtrise, par habitude, peut-être par oubli aussi...
C'est alors qu'elle remarqua tous ces masques colorés ou pas, respectivement accrochés près des portes: selon l'univers sur lequel elles ouvraient, il porterait le masque adapté.
 
Il était facile de constater, combien les jours du sorcier sont diamétralement partagés entre une dimension ludique et une dimension létale.
 
Le Coeur de Silex
Laissant le Sorcier sous l'emprise de son propre vortex téméraire, à la recherche d'une sortie pour reprendre son chemin, la promeneuse distingua au rez-de-chaussée, donnant sur le cluzeau, un orifice dans la paroi de pierre grise, duquel émanaient d'étranges mouvements à la lueur sombre et glauque.
S'y dirigeant,  de vieux grimoires et codex délaissés gisaient  inertes parterre, entre des fioles de quartz au contenu couleur menthe-à-l'eau. Le "fenestrou", trop bas étant debout, l'amena à découvrir une huitième porte, en châtaignier tout craquelé, recouverte de toiles d'araignées et légèrement entrebâillée. Contrairement aux autres portes, ici point de masque! Elle la pousse et... horreur! Ces mouvements glauques représentaient le Sorcier sous une version hideuse,  sous de multiples aspects difformes et sombres. 
Balayant, la pièce en un fragment de seconde elle s'aperçu vite être devant la chambre, un peu oubliée, de son hôte obligé.
 
Émanant d'un support baigné au mercure, l'image se montra férocement répulsive. Observatrice, l'hôte improvisée en resta encore plus impassible.
- Tu n'est même pas un miroir, accusa-t-elle
Après un silence insistant, ces fausses formes répondirent:
- Qu'en sais-tu?! Bien sûr que je suis un miroir!
- Non, le Sorcier ne ressemble pas à ce que tu montres. Un miroir reflète neutralement la réalité!
- N'importe quoi, c'est toi qui ne sait pas regarder!
- Tu n'es qu'un reflet exagérément distorsionné. Insista-t-elle encore.
- C'est ça, oui.... retorque-t-il lentement, d'une ironie dubitative, hautain, marquant une pause.
- Tu es né de fausses croyances, comme un brocard tissé de craintes et de culpabilité!
- Hum... pas mal... Peut-être es-tu dotée de vision éthérique, pour me déceler de la sorte, songea-t-il.
Et alors? continua-t-il. Le Sorcier y croit bien lui, à cette image, à "SON" image. Il y croit tellement bien qu'il s'entoure de personnes qui m'alimentent et me font grandir, grandir, grandir encore et encore, tout en le diminuant! ajouta-t-il en ricanant.
- Je n'ai qu'à souffler sur toi pour te faire disparaître... l'interrompit-elle courroucée, presque inaudible bien que ferme.
- Tu n'oserais pas, sussurre-t-il pernicieux, il y a des conséquences...
Un  autre silence poignant s'imposa.
- Après un long soupir, posément, elle annonca: j'ai déjà commencé.
Sois-en sûr, mon souffle te dissipera jusqu'à te faire disparaître, et là, il n'y aura plus rien à alimenter, ni personne à duper. Peu importe le prix pour ce qui est juste.
Le reflet maléfique, s'immobilisa soudain. Blême d'impuissance sous le poids de ses iris clairs.
Il rétrécit et rétrécit encore jusqu'à se fondre dans le mercure du  miroir, laissant apparaître en dessous de ce dernier, sur une console, un biface cordiforme, aux arêtes bien tranchantes.
 
- Que faites-vous là?!!! interrogea une voix derrière la promeneuse
Elle tressaillit. Les mots d'une éventuelle réponse venaient se cogner pour balbutier, comment expliquer sa présence sur le seuil d'une pièce privée? À cet instant même, elle prit conscience que cette chambre méritait avant tout, l'appellation de "cénotaphe".
 
La fine couche de poussière qui couvait les lieux, témoignait l'absence de présence depuis longue durée: une alvéole oubliée de la vie du sorcier, restée sous le joug d'une pierre.
 
Au moment de se retourner lentement vers son interlocuteur, contre toute attente, le silex sembla capturer suffisament d'atomes de fer ou similaire, pour allumer des étincelles toxiques... Tout fut si rapide; des pointes de feu sillonnèrent les airs, et si elles manquèrent la promeneuse, le Sorcier lui, fut touché, transpercé de ce feu destructeur.
S'il sait les morsures  aux crochets envenimés au point de savoir les ignorer,  il est des douleurs insoupçonnées auxquelles il ne survivrait pas. 
C'est plié en deux qu'elle découvrit le visage du  maître des lieux. Hébétée, face à ses yeux verts printaniers qui se voilaient rapidement sous le fer ardent.
- Curieux, pensa-t-elle, la finesse de certains traits, les faciès de ce visage me sont familiers...
Le silex continuait de plus belle, commençant à rougeoyer. Alors, en dernier recours, la promeneuse cria de toutes ses pensées: Salamandra Abracadabra!
La réponse se fit attendre, et le regard vital du Sorcier, risquait sévèrement de tourner au gris minéral.
Enfin Salamandra se fit entendre:
- Je suis désolée, indiqua-t-elle avec toute l'impuissance du monde,  je ne suis qu'un animal à température variable, craignant énormément la chaleur. Mon mythe aussi a vieilli... conclut-elle d'une expression éteinte. 
Dans tout ce tourbillon, une nouvelle évidence gifla la scène: le coeur de silex était devenu si rouge, qu'il semblait être une contre-façon d'une célèbre gemme: le rubis de l'irrésistible Vouivre!
Probablement que le Sorcier avait dû être trompé par le charme menteur de ce biface tranchant.
Avec toute la maladresse du monde, la promeneuse, saisit le caillou cuisant, espérant réagir à temps, avant que le blessé ne se dessèche de ses larmes, consommé.
 

La Guérison Conjuratrice

Dehors, je courus à grandes enjambées, là où me portait le regard, c'est-à-dire tout droit.
Courant encore, la pierre dans la paume bien serrée, un léger fil d'argent m'effleura, me laissant en héritage cette douceur infinie s'imprégner dans chacun de mes pores, légué par la "gardienne" du Sorcier, que je perçu  dans un sourire confiant.
- Comme ils se ressemblent...  constatais-je une dernière fois.
Dans la course, mon corps semblait s'articuler dans le vide, car plus que jamais, le temps n'était plus. Soudain, devant: la rivière.
- Déjà? Mais...    s'il me semblait avoir fait qu'une centaine de mètres...
***
Face à la Vézère, quelque part entre Saint-Cirq et le Bugue, la promeneuse observait l'épaisse peau de la rivière coulisser, luisant sous le regard de la nuit et crachins.
Dans l'immobilité absolue...
Le temps en suspension, l'omniprésence lui dérobait toute notion temporelle ou physique, et, pour s'assurer d'être toujours et bien de chair et d'os plutôt que convertie en une quelconque substance volatile, elle respira à pleins poumons, laissant le souffle rappeler la vie circulant dans les veines...
 
C'est alors qu'elle ouvrit la paume de la main, laissant chuter le caillou aux tranchants aiguisés, dans les remous d'eau douce.
- Je te confie aux Ondines, il est temps de t'arrondir et d'évoluer le caillou!
Les yeux levés vers la nouvelle lune, ignorant si elle reverrait  ses nouveaux camarades, elle savait que le Sorcier était sur la voie de la guérison... Bien qu'aux dépends de ses prochains choix.
La paume de la main toujours ouverte vers le ciel, elle regardait tranquillement la couleur de la douleur, causée par l'usure de la brûlure, se diluer dans ce temps de salamandre.
 
 
 
Cette histoire est dédicacée à ses 3 égéries, sans lesquelles elle n'aurait pas eu lieu
 
Remerciements à Thierry Chaudière de l'Aquarium du Périgord Noir, à Karine Da Cruz du Service Patrimoine de Sarlat,
à Mme & Mr Duval, pour leurs  participations respectives.
Pour plus d'infos sur le monde reptilien en Périgord: www.perigordnoirdemarie.com/2014/09/l-anaconda-du-perigord.html
 

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François 1er

Salamandra Abracadabra!
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B
Je suis tombé par hasard sur cette salamandre un peu perdue je pense sur un chemin au bord d'un étang très belle rencontre magnifique animal <br /> A quand la prochaine rencontre !!!
Répondre
M
Merci pour ce retour chaleureux. Quelqu'un m'a dit que les hasards sont des rendez-vous :)<br /> À quand la prochaine rencontre? L'imprévisible des demains nous le révèlera...
E
Encore une fois tu as su ,Marie ,nous entrainer dans ton univers ,que dis je, dans ta galaxie avec beaucoup de maitrise.<br /> A quand un musée sur ces créatures mythiques ?
Répondre
M
Je te remercie pour cette jolie fidélité attestée par "encore une fois...". Joli prénom aussi, particulièrement en accord avec nos harmonieux côteaux bien verdoyants en cette saison :)<br /> Très bonne question! À quand ce musée !?
T:+33 (0)681 747 735 - www.perigordnoirdemarie.com - -  Hébergé par Overblog